Cet article a été écrit pour le site Femmexpat .
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On vous l’avait dit à vous quand vous êtes devenue mère que l’inquiétude serait la mamelle cachée de la maternité ? Et quand bien même on vous l’avait dit, tant que vous ne l’aviez pas vécu, hein, aviez-vous compris ce qui vous attendait ?
En même temps que j’apprenais à être une maman à la naissance de Fils Aîné, j’ai découvert que non seulement j’allais devoir vivre avec la culpabilité que ressent toute personne qui laisse la chair de sa chair à l’assistante maternelle, à la crèche, à la garderie, au centre aéré etc, pour aller bosser (même quand on aime son job) mais surtout avec un sentiment puissant : l’inquiétude.
Car, comme tout un chacun un jour, j’ai eu peur que mon bébé ait mal, que mon petit garçon soit triste, que mon adolescent souffre.
Quand bac en poche, Fils Aîné est parti poursuivre seul ses études en France, il était prêt à voler de ses propres ailes. Avec un logement agréable et confortable -mieux que mon premier appartement de jeune salariée – il est bien dans ses baskets et ses études lui plaisent.
Mon côté “mamma italienne” – quoique les mamans marocaines sont aussi comme cela-, ne peut évidemment s’empêcher de lui demander s’il se nourrit correctement et dort suffisamment. Ce à quoi il me répond : “t’inquiète, tout va bien !”
A chacune de nos retrouvailles, mon cœur de mère, bat bien sûr, un plus vite car ma tribu est au complet. Nos relations houleuses l’année passée, se sont apaisées et je regarde mon grand faire l’apprentissage de la vie d’adulte.
Lui : “Maman qu’est que c’est pénible de faire les courses, le ménage et la lessive ! Çà revient tout le temps ! J’ai fait un gros plein de courses, çà m’a coûté un bras !”
Moi : “Ah ah ah ! As-tu besoin d’argent ?”
Lui : “t’inquiète, je gère.”
Ses vacances de Pâques ne coïncidant pas avec celles du Maroc où nous vivons, le sujet de son éventuelle venue est sur la table : “t’inquiète, Maman, je réfléchis”.
Puis brutalement, entre, dans notre quotidien, Covid 19.
Le Maroc ferme ses frontières très vite avec la France qui de son côté, interdit pendant 30 jours minimum l’arrivée de tout vol sur son sol en dehors de l’espace Schengen.
Nous n’avons rien pu décider. Fils Aîné est en France et nous au Maroc. Désormais deux frontières nous séparent. Quoiqu’il arrive, quoiqu’il se passe, nous ne pouvons rien faire.
Portes closes ! Rideau ! Cadenas ! Et hop la clé est jetée à la mer, on nous laisse sans le code !
Chacun de son côté et 2 000 kms qui nous séparent.
Stupeur ! La Mère-veilleuse comme me surnomme parfois ma fille, Queen M, est abasourdie, puis prise de vertige et de peur.
A ce moment là, la situation en France n’est pas encore celle d’aujourd’hui. On nous assure que les jeunes sont vecteurs mais pas touchés et que seules les personnes à risque sont susceptibles d’être contaminées.
Je me rassure, je me raisonne, je suis solide, je fais face : Fils Aîné est jeune, il est à distance de marche de l’hôpital, il est éloigné géographiquement des principaux foyers infectieux; si le virus croise sa route, il sera mieux soigné en France. Çà va aller !
Peu après, le confinement est annoncé en France et après réflexion, Fils Aîné décide de rester sur place, rejoint par sa copine ce qui me rassure car ainsi il n’est pas tout seul pendant cette période mal définie.
Ici, à Casablanca, plusieurs copines sont dans une configuration similaire et nous nous entraidons moralement mutuellement ! Restons positives !
Comme ses frère et sœur, Fils Aîné suit ses cours en ligne, avec parfois jusqu’à 9 heures de visio-conférence dans une journée; youhouuuu si tu aimes les écrans tu es servi ! Lui et Loulou se donnent des rendez-vous pour jouer ensemble à un même jeu sur console.
Le moral est bon. On échange des blagues, des anecdotes : “t’inquiète pas Maman, ça va !”.
En journée, tout va bien ou à peu près. Si ce n’est pas le cas, les copines sont là !
Mais à l’extinction des feux ou aux heures qui précèdent l’aube, on dirait que les pensées, libérées, prennent la clef des champs et pas forcément la direction des coquelicots.
Argh ! Les nuits sont agitées. Et si… et si… et si…Celles de l’Homme pareillement ! Est-ce cela vieillir ? Commencer à s’angoisser ?
Moi à Fils Aîné : “tu appliques bien les gestes de protection préconisés hein ? Lui : “t’inquiète pas Maman, je ne sors que pour aller acheter à manger”.
Mon cerveau enregistre les informations mais continue la nuit à sélectionner les plus anxiogènes. On a arrêté de regarder les journaux télévisés français, toujours en boucle.
Le vélo elliptique qui ne m’avait pas vu beaucoup depuis notre arrivée au Maroc il y a deux ans et demi, connait une seconde jeunesse mais cela n’apaise pas pour autant le moulin là-haut. La méditation ce n’est pas non plus mon truc. Alors quoi ? Ecrire peut-être…
Mes parents, divorcés, qui sont des personnes à risque compte tenu de leur âge et santé, font attention. Maman aurait dû être au Maroc ces jours-ci et Papa devait arriver d’ici une quinzaine de jours. Evidemment tout a été également annulé. Vu que nous sommes tous confinés actuellement, nous échangeons davantage.
Et à Maman qui s’interroge de notre situation, voilà que je m’entends lui répondre : “tout va bien. T’inquiète pas Maman” !
Que c’est dure d’être mère… moi aussi j’ai la gorge serrée et essaie de me raccrocher à l’idée que bientôt je pourrais le prendre dans mes bras !!!